COMPTE-NICKEL : LA BANQUE QUI NE COÛTE QUASIMENT RIEN

Oct 14, 2016 dans Entreprises

Destiné au départ aux interdits bancaires, cet établissement pas comme les autres recrute des clients tous azimuts. Ses agences : les buralistes de quartier. Son modèle : ultra low-cost.

Depuis un an, Arbane Hamid, buraliste dans le XVII
e arrondissement de Paris, a débuté une nouvelle activité. Il ne vend plus seulement des journaux et des cigarettes, il fait aussi office de banquier. Direction la petite borne « Compte-Nickel» située à côté de sa caisse. Après avoir scanné la pièce d’identité d’un client, pris son numéro de mobile, reçu un code, il lui suffit de cinq minutes pour mettre une carte bancaire à disposition. « Des comptes, j’en ouvre presque tous les jours, et cela crée du trafic dans mon magasin», se félicite-t-il.

Un banquier buraliste ? L’idée peut sembler farfelue. Lancée en février 2014, elle fait au contraire… un tabac. En à peine deux ans, Compte-Nickel, le nom de cette banque pas comme les autres, a déjà séduit 390.000 clients, soit 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est même, à l’heure qu’il est, l’établissement qui ouvre le plus de comptes chaque jour en France, au coude-à-coude avec Boursorama Banque sur Internet. Pas d’agence, pas de dépliant tarifaire long comme le bras, pas de produit d’épargne : l’offre est réduite à sa plus simple expression, mais elle est efficace.

Un démarrage sur les chapeaux de roue :

Septembre 2014 : 40.396 clients => Septembre 2015 : 159.313 clients => Septembre 2016 : 390.000 clients.

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Ils ont bataillé pour lancer le Compte-Nickel

Le fondateur, Ryad Boulanouar, a voulu, à l’origine, s’adresser aux 5 à 6 millions de Français interdits ou exclus du système bancaire. Cet ingénieur informatique avait connu ce type de déboire après la faillite d’une première start-up. Son idée était d’appeler sa nouvelle société No Bank, avec un petit parfum de revanche. Le gendarme bancaire (l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) a refusé, jugeant que ce nom prêtait à confusion, car Compte-Nickel n’est pas une banque au sens strict mais une solution de paiement. «Cela a été kafkaïen, le régulateur exigeait que nous trouvions plus de 6 millions d’euros de capital», raconte son associé, Hugues Le Bret, l’ancien directeur de la communication de la Société générale, rallié au projet.

Technologie, réglementation, système d’information… Il leur a fallu dix-huit mois d’instruction, 4.800 pages de dossiers, une collecte de fonds auprès de 136 particuliers avant d’aboutir… Puis, après un démarrage en trombe, 34 millions d’euros ont été recueillis auprès de 150 entrepreneurs et fonds d’investissement. La Confédération des buralistes est elle-même actionnaire à hauteur de 6,2%.

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Arnaud Giraudon, directeur général, et Hugues Le Bret, cofondateur, à l’abordage des banques traditionnelles :

Arnaud Giraudon, directeur général de Compte-Nickel, et Hugues Le Bret, cofondateur. ©Bruno Levy pour Capital

Pas d’agences, l’ouverture de compte se fait chez le buraliste

Et pour cause, le modèle est innovant et casse les codes du monde bancaire. «Non seulement vous vous procurez un RIB en cinq minutes, mais vous le faites chez un buraliste, c’est du jamais-vu», souligne Yves Grégoire, expert des services financiers chez Sia Partners. Et c’est on ne peut plus lowcost : sans agences, donc sans loyers à payer, Compte-Nickel se contente de verser au buraliste 1 euro par ouverture de compte et 2% des montants déposés en cash par le client.

Ils sont désormais plus de 1.800 buralistes en France à proposer ce service. «Nous rivaliserons bientôt avec les 2.200 agences de la Société générale. Et nous pourrons même les dépasser puisque les guichets ont plutôt tendance à disparaître», se réjouit Anne-Sophie Perrachon, directrice de la distribution. Pour réduire encore ses coûts fixes, l’entreprise s’est installée dans un open space à Charenton-le-Pont, en banlieue parisienne, où est rassemblée la centaine de salariés.

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Tarifs simples et attractifs pour séduire une large clientèle

Pour sa première cible, la clientèle à revenus modestes, le Compte-Nickel a pour principal avantage la sécurité d’utilisation. Pas de risque d’agios insupportables : aucun découvert n’est possible. La grille tarifaire est simplissime : 20 euros à l’ouverture du compte, 1 euro à chaque retrait à un distributeur (c’est plus cher qu’une banque classique) et 50 centimes chez un buraliste. Les virements sont gratuits et illimités. Et comme les opérations s’affichent en temps réel et sont consultables en ligne, pas de mauvaise surprise. « Parmi nos clients, nous avons un SDF mais aussi un millionnaire », glisse Anne-Sophie Perrachon.

La banque low-cost séduit en effet un large public. Les salariés du public et du privé représentent 45% des utilisateurs. Autre cible : les 12- 18 ans. «Grâce au Compte-Nickel, mon fils ne se promène plus avec du liquide sur lui, c’est rassurant. Je peux aussi fixer des limites de paiement et de retrait», témoigne Marc Dethan, entrepreneur en région parisienne. Les voyageurs apprécient, eux, les faibles frais de retrait à l’étranger (1 euro comme en France), alors qu’une banque classique facture des commissions fixes et proportionnelles souvent corsées hors zone euro. De même, les adeptes des achats sur Internet y trouvent un intérêt. Un pirate ne pourra pas dépenser au-delà du solde du compte.

Comparatif Compte-Nickel vs banque classique : (cliquez pour agrandir)

Chez Compte-Nickel, le compte s’ouvre en un clin d’œil chez le buraliste et la carte est bon marché. Le service, ensuite, est des plus basiques.

Risques de fraude très faibles

Les cassandres, au départ, promettaient des fraudes en pagaille. En réalité, le système est bien bordé : «Vingt personnes vérifient tout mouvement suspect, comme des opérations fiscalement douteuses», indique Arnaud Giraudon, fraîchement nommé directeur général. Pour limiter la fraude, les dépôts d’espèces ne peuvent excéder 750 euros par mois, ce qui en réduit l’intérêt pour des dealers et autres délinquants. «De plus, les placements des dépôts sont vérifiés par le Crédit mutuel Arkea. Les risques de fraude sont très faibles», ajoute Yves Grégoire.

Prochaine étape, l’an prochain, un Compte-Nickel pour les petites entreprises (moins de dix salariés) et les professionnels avec une offre de tenue de compte couplée à une solution de paiement, qui devrait permettre d’atteindre les 1,5 million de clients fin 2018. Et pour continuer sa progression, le banquier sans cravate réfléchit à des solutions d’épargne et n’exclut pas de dupliquer le Compte-Nickel à l’étranger.

© Marie-Dominique Dubois pour Capital – Retrouvez l’article original en cliquant ici